15 Décembre 2015

Un sondage de l'Univers XXL

Une mine pour l’astrophysique : une nouvelle carte des amas de galaxies en trois dimensions vient d'être publiée par une collaboration internationale, grâce aux observations de deux régions du ciel couvrant chacune environ 25 degrés carrés (soit environ 200 fois la surface de la pleine Lune en tout).

Ce programme d’observation, baptisé XXL, et réalisé grâce notamment au satellite XMM-Newton de l’ESA et aux télescopes de l’Observatoire Austral Européen (ESO), a permis de localiser et d'identifier 450 amas de galaxies, ainsi que 22 000 galaxies actives[1]. La revue Astronomy & Astrophysics publie une première série de résultats de la collaboration internationale, menée par le CEA soutenu par le CNES, et qui compte des chercheurs et moyens du CNRS, de l’Université Aix-Marseille, et des Observatoires Côte-d’Azur.

Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers, pouvant atteindre des masses de plus de cent mille milliards de fois la masse du Soleil. Ces objets gigantesques, sièges de fusions de galaxies au sein de nuages de gaz portés à des millions de degrés, sont au centre de l’astronomie moderne : comment des formations de telles dimensions ont-elles pu se former ? Quel est leur âge, leur histoire, et à quel devenir sont-elles promises ? Quel rôle joue l’énigmatique matière noire en leur sein ? Comment leur évolution, qu’on déduit de la comparaison entre les plus vieux et les plus récents amas, peut-elle nous renseigner sur l’évolution de l’univers tout entier, et en particulier sur les effets de la mystérieuse énergie sombre ?

Le sondage XXL, réalisé de 2011 à 2013 à l'issue d’observations[2] en rayons X du satellite XMM-Newton, a pour but de constituer un catalogue de plusieurs centaines d'amas de galaxies jusqu'à des distances auxquelles l’Univers n'a environ que la moitié de son âge actuel. Les chercheurs pourront ainsi reconstituer l’évolution et la répartition spatiale de ces structures, et tester différents scénarios cosmologiques.

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Région du ciel du sondage XXL dans la partie sud (XXL-S) explorée par le satellite XMM-Newton. Près de deux cents amas de galaxies ont été détectés (cercles rouges) ainsi que plus de 10 000 noyaux de galaxies actives (AGN) visibles comme des sources brillantes (points blancs). A titre de comparaison, à droite, la carte de la même région du ciel qui était utilisée jusqu’à présent, construite grâce aux données du satellite ROSAT dans les années 90.

La deuxième région (XXL-N) est située sur l’équateur céleste et présente des caractéristiques comparables

© Projet XXL - S. Snowden, L. Faccioli, L. Pacaud

Les résultats présentés dans la première série d’articles portent sur les 100 amas de galaxies les plus brillants détectés par le sondage XXL. Ils permettront une première reconstruction de la structure de l’univers jusqu’à des distances de plus de 11 milliards d'années-lumière[3].

Ils ont révélé une densité d'amas sensiblement moins élevée que celle prévue par les modèles cosmologiques, ainsi qu’une quantité de gaz dans ces amas également plus faible qu'attendue. Un déficit similaire a été observe? pour les amas plus massifs directement détectés par le satellite Planck sur tout le ciel. Cela suggère, soit que certains paramètres décrivant la physique des amas doivent être revus, soit que le modèle cosmologique est plus complexe – ou différent – de ce qui est envisagé actuellement. L’étude de l’échantillon complet des 450 amas du projet XXL, qui sera publiée d'ici deux ans, devrait permettre de préciser cette conclusion.

Les premières analyses d’XXL ont aussi permis la découverte de cinq nouveaux « super-amas » ou « amas d'amas » de galaxies : par exemple, le super-amas XLSSC-e, dans la constellation de la Baleine, à une distance d'environ 4,5 milliards d'années-lumière, est constitué de six amas différents couvrant une région de 0,3 par 0,2 degré sur le ciel, ce qui, à cette distance, correspond à des dimensions de 7 x 4,5 millions d'années-lumière.

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Le super-amas XLSSC-e est composé de 6 amas (5 visibles sur l'image, marqués A-B-C-D-E). Chacun de ces amas a une masse variant de 70 000 à 410 000 milliards de masses solaires. Les  cadres montrent les images de ces amas en lumière visible (CFHTLS). © Projet XXL - Articles I et VII

Le projet XXL constitue une étape intermédiaire importante avant les prochains sondages de nouvelle génération qui ont pour objectif de couvrir l'ensemble ou une partie significative du ciel tels que DES (Dark Energy Survey), eROSITA (extended ROentgen Survey with an Imaging Telescope Array), LSST (Large Synoptic Survey Telescope) et Euclid.

Le satellite XMM est un satellite de l’ESA. Le CNES a contribué au financement du satellite et contribue au traitement des données, en soutenant les laboratoires français responsable de ces activités.

Références de l'article

The XXL survey I : Scientific motivations, XMM observing plan - Follow-up observations and simulation programme, Pierre M., Pacaud F., Adami C. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey II : The bright cluster sample, Pacaud F., Clerc N., Giles, P. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey III : Luminosity-Temperature Relation of the Bright Cluster Sample, Giles P., Maughan B., Pacaud F. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey IV : Weak lensing mass – X-ray temperature scaling relation for the bright cluster sample, Lieu M., Smith G., Giles P. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey V: Detection of the Sunyaev-Zel'dovich effect of the Redshift 1.9 Galaxy Cluster XLSSU J021744.1-034536 with CARMA, Mantz A>, Abdulla Z., Carlstrom J.et al. 2014, ApJ 794, 157

The XXL survey VI: The 1000 brightest X-ray point-sources, Fotopoulou S., Pacaud F., Paltani S. et al 2015 A&A in press

The XXL survey VII:  A supercluster of galaxies at z=0.43, Pompei E.,  Adami C., Eckert D. et al 2015 A&A in press

The XXL survey VIII : Spectroscopic MUSE and imaging CFHT view of Intra Cluster Light in a z=0.54 cluster of galaxies, Adami C., Pompei E., Sadibekova T. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey IX : 3 GHz VLA radio observations towards a supercluster at z=0.43, Baran N., Smolcic V., Milakovic D. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey X : Weak-lensing mass - K-band luminosity relation and implication on cluster galaxies, Ziparo F., Smith G., Mulroy S. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey XI : ATCA 2 GHz continuum observations, Smolcic V., Delhaize J., Huyn M. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey XII : Optical spectroscopy of X-ray-selected clusters and evidence of AGN suppression in superclusters, Koulouridis E., Poggianti B., Altieri B. et al. 2015 A&A in press

The XXL survey XIII: The baryon content of the bright cluster sample, Eckert D., Ettori S., Coupon J.  et al. 2015 A&A in press

The XXL survey XIV:  AAOmega redshifts for the southern XXL field, Lidman C., Ardila F., Owers M.  et al. 2015 PASA in press

Voir aussi



[1] Les galaxies actives sont celles qui possèdent un trou noir en leur centre

[2] 543 observations nécessitant plus de 6 millions de secondes d'exposition, constituant ainsi le plus grand programme jamais alloué depuis le lancement de XMM-Newton en 1999.

[3] Pour remonter aussi loin dans l’histoire de l’Univers, les cosmologues doivent pouvoir observer des zones très lointaines. Avec leurs instruments, ils sélectionnent  donc des régions dites « vides », où  se trouvent très peu de sources brillantes, afin de pouvoir ainsi accéder aux sources les plus faibles.